Publié le 27 avril 2020, modifié le 6 juillet 2020.
Par Christophe Romei
App

StopCovid : les hommes, les technos et les craintes qui s’affrontent !

Publié le 27 avril 2020, modifié le 6 juillet 2020.
Par Christophe Romei
Asterix : La fille de Vercingétorix

Asterix : La fille de Vercingétorix

Nous sommes dans un pays de gaulois face à un choix d'outil pour aider au déconfinement. On a l'impression d'être transporté dans la BD de Goscinny et d'Uderzo avec une poignée d'irréductibles !

Depuis le départ de la pandémie mondiale du nouveau coronavirus, les nations ont mis en place de nombreuses initiatives pour sauver des vies et éviter de contaminer d’autres personnes si on est atteint. C’est une brique importante pour le dispositif d’enquêtes sanitaires qui va accompagner le déconfinement et permettre de casser les chaines de transmission de l’épidémie du COVID-19. D’autant que la maladie peut être transmise par des personnes qui ne présentent aucun symptôme.

Il a donc fallu faire avec les moyens mis à disposition et rapidement, l’une des solutions retenues, c’est une application sur un smartphone. De nombreux pays ont développé leur solution en tenant compte de leur culture numérique et de la volonté de leurs dirigeants pour permettre une surveillance.

Je ne vais pas revenir sur le principe, vous pouvez voir ci-dessous différents projets  :

Ci-dessous, une BD pour expliquer l’intérêt d’une application, tout en préservant nos libertés, diffusée par KezaCovid19, un collectif de bénévoles (majoritairement issus de la recherche en biologie) travaillant à la production de contenus vulgarisés sur le Covid-19 et le Sars-Cov-2.

Craintes

La crainte d’une surveillance de masse sur son smartphone à travers un tracking (géolocalisation) s’est installée. Même si, comme vous pouvez le voir dans l’extrait vidéo ci-dessous qui rappelle ce que tout le monde sait déjà, cette surveillance existe déjà, elle n’est pas organisée pour vous surveiller au sens strict du terme, mais pour faire fonctionner l’internet gratuit que nous utilisons pour vous diffuser de la publicité et ainsi bâtir des modèles économiques. Quand vos enfants utilisent Snapchat, cette entreprise a construit une plate-forme business, ce que beaucoup d’applications n’ont pas fait d’une manière aussi transparente !

Les gens utilisent Snapchat pour communiquer avec leurs amis, créer de nouvelles relations, jouer et apprendre. Mais aussi inspirer des actions avec des publicités numériques plein écran qui augmentent la reconnaissance, le taux de conversion et génèrent des bons résultats pour les entreprises de toutes tailles.

Alors que le public est divisé dans sa volonté de télécharger des applications pour ses téléphones comme moyen de suivre et de surveiller les contacts des personnes infectées par le coronavirus, le soutien d’utiliser une app augmente dans certaines régions. Comme par exemple aux USA où jusqu’à 66% de personnes seraient prêtes à l’utiliser. Un changement d’avis qui survient souvent après avoir entendu l’argument selon lequel cela pourrait permettre à de nombreuses écoles et entreprises de rouvrir, entre autres.

Construire un système de surveillance après Covid-19, oui c’est peut-être un danger dans de nombreux pays. En France, entre la CNIL, l’ARCEP et les partis politiques, c’est beaucoup plus compliqué ! D’ailleurs, on a oublié mais en 1974, le quotidien Le Monde révélait un projet gouvernemental tendant à identifier chaque citoyen par un numéro et interconnecter, via ce numéro, tous les fichiers de l’administration. Cela créa une vive émotion dans l’opinion publique. Cette inquiétude a conduit le gouvernement a créer une commission afin qu’elle propose des mesures garantissant que le développement de l’informatique se réalise dans le respect de la vie privée, des libertés individuelles et publiques.

Cette « Commission informatique et Libertés » proposa, après de larges consultations et débats, de créer une autorité indépendante. C’est ce que fit la loi du 6 janvier 1978 en instituant la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Il est bon de noter ceci dans le règlement européen pour la protection des donnés de la CNIL. L’article 9 précise :

Le traitement des données à caractère personnel qui révèle l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique sont interdits.

Le paragraphe ci-dessus ne s’applique pas si l’une des conditions suivantes est remplie : i) le traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique, tels que la protection contre les menaces transfrontalières graves pesant sur la santé…

Les Technos

Vous avez plusieurs entreprises et équipes qui travaillent sur le sujet StopCovid. Le cœur de l’app, c’est le Bluetooth, consensus général du fait entre autres que la mesure doit être précise (1-1,5 m) même si cela nécessite des tests de calibration pour avoir des modèles statistiques qui corrigent des erreurs qui dépendent des paramètres du smartphone. La bonne nouvelle, c’est que le Bluetooth est souvent activé par les autres applications, vos casques, vos enceintes, votre voiture, etc ! Il faut quand même développer des algorithmes, des protocoles d’échange d’informations, des protocoles de chiffrement pour vos informations…

Mais les deux approches qui s’affrontent concernent d’un côté un système décentralisé sur votre smartphone et de l’autre un système centralisé sur des serveurs. Quand on regarde les usages des entreprises depuis l’arrivée de l’iPhone en 2007, on a plutôt construit des approches de serveur central, puis très rapidement dans le cloud.

La géolocalisation qui aurait pu être transparente dans l’usage sur le smartphone comme Google Maps pour ce type d’usage n’est pas assez précise selon les experts ! Il est vrai que récemment un artiste berlinois Simon Weckert a marché sur la rue avec une brouette contenant 99 téléphones intelligents, créant ainsi un embouteillage virtuel, impossible pour les algorithmes de Google de comprendre la situation…

Pragmatique

L’Allemagne vient de changer de cap ce Dimanche 26 Avril concernant le type de technologie de smartphone qu’elle souhaitait utiliser pour retracer les infections du coronavirus, soutenant ainsi une approche soutenue par Apple et Google ainsi qu’un nombre croissant d’autres pays européens. Ce pays vise une approche décentralisée de la recherche des contacts numériques, abandonnant ainsi une alternative locale. C’est-à-dire une architecture décentralisée qui ne stockera que les contacts sur les appareils. Nous avons 2 OS, iOS et Android, qui équipent plusieurs milliards d’humains. Ce n’est pas une politique de Pro Gaffa de dire que nous avons besoin du meilleur pour une app et vite, d’autant que la privacy chez Apple est assez rigoureuse !

Il est important de noter que l’iPhone ne fonctionnerait correctement qu’avec la configuration proposée des protocoles décentralisés tels que DP-3T (Decentralised Privacy-Preserving Proximity Tracing)

En Europe, la plupart des pays ont choisi le Bluetooth à courte portée entre les smartphones comme la meilleure approche, mais ils ont différé quant à la consignation de ces contacts sur un serveur central ou sur des appareils individuels.

L’Australie, là encore à compris les enjeux, l’application Covidsafe vous demandera votre nom (ou pseudonyme), votre tranche d’âge, votre code postal et votre numéro de téléphone. Si une personne est infectée par un coronavirus, dans l’application, vous consentez à télécharger la liste des identifiants anonymisés des 14 derniers jours de contact pour la recherche des contacts. Il utilise ensuite la force du signal et d’autres données pour déterminer qui doit être contacté.

Les données Bluetooth en plus de vos identifiants sont  téléchargées sur le serveur après un test positif afin que le gouvernement puisse déterminer, en utilisant la force du signal, quels contacts doivent être notifiés. Amazon Web Services, qui héberge les données en Australie, est l’une des plus grandes sociétés de cloud computing au monde. Étant donné que des millions de personnes devraient utiliser l’application et que les pannes rendront l’application moins efficace, ainsi que l’historique du gouvernement avec l’utilisation d’AWS, il n’est pas surprenant qu’Amazon ait été choisi pour le contrat. (Impossible en France, on verra si l’app tient la charge)

La France

La France avec son projet d’app “StopCovid” ressemble à notre image de l’illustration de l’article, “le mien est meilleur”. Il y a des avis divergents, certes, sur l’utilisation du smartphone, des données, des technologies, des entreprises qui développent, etc. mais en haut lieu on est convaincu que ce projet est le meilleur. Nous avons eu en quelques jours plusieurs avis, sans compter les milliers d’articles et tribunes sur le sujet, on n’aura jamais autant parlé du smartphone et de techno :

– CNUM > une brique d’une stratégie plus globale
– Ordre des Médecins > Enjeux du traçage numérique
– CNRS > Quels problèmes éthiques ?
– Inria > Comprendre les enjeux

Il est évident que ce type d’usage pose des questions quant à leur utilisation à court et long terme, y compris éthique. Vous pouvez lire un entretien avec Jean-Gabriel Ganascia, président du Comité d’éthique du CNRS, qui explique comment on peut concilier urgence sanitaire et garde-fous éthiques dans le domaine du numérique.

Bercy a envoyé son communiqué de presse ce Dimanche ! Vous pouvez le lire en cliquant sur l’image.

Notre Avis

La création d’une app sur les smartphones est effectivement une bonne brique pour toucher la population afin de casser les chaines de transmission de l’épidémie de COVID-19. (Au premier trimestre 2020, Android possédait 78,8% des parts de marché des OS en France, suivi par iOS, avec 21,1%. en 2019, 95% des Français sont équipés en téléphone mobile, 77% d’un smartphone). En 2019, 82% des Français utilisent quotidiennement leur téléphone ou smartphone.

Il est dommage de ne pas avoir laissé développer plusieurs applications avec un label État/Cnil ce qui aurait permis de voir émerger le meilleur pour la prochaine crise qui aura lieu ! Dommage de ne pas avoir non plus utilisé la géolocalisation avec consentement pour des fonctionnalités supplémentaires, nos opérateurs ont un excellent savoir-faire sur le sujet.

Ci-dessous des impératifs selon nous :

    1. Limité dans le temps
    2. Usage obligatoire, couplé avec l’attestation de sortie 🙂
    3. Une UX irréprochable, pour un usage très simple et compréhensible
    4. Une App avec un code source ouvert
    5. L’utilisation de l’API (Apple & Google)
    6. Un engagement à ne pas utiliser les informations après Covid ou alors avec l’assentiment de l’utilisateur
    7. Une option de prendre un QRCode des membres de sa famille, de ses amis, de ses collègues, généré par l’app que l’on croise !

Quid des 15% sans smartphone ? Prendre en compte la situation des personnes non équipées est un défi qui ne date pas d’aujourd’hui… Voilà comment on paye l’indifférence de cette fracture numérique depuis des années. Il sera difficile d’y répondre pour le 11 Mai ! En tout cas, des solutions peuvent être mises en place rapidement comme l’utilisation de l’OS de KaiOS et d’avoir des smarphones like entre 30/80€.

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