Publié le 10 janvier 2023, modifié le 13 janvier 2023.
Par La Rédaction

Allons-nous donner le pouvoir aux algorithmes ?

Publié le 10 janvier 2023, modifié le 13 janvier 2023.
Par La Rédaction

Aujourd’hui, nos vies se retrouvent sous l’influence de nombreux algorithmes. Il y a ceux qui aident et qui conseillent. Et ceux qui emprisonnent... Questions et réponses avec Hugues Bersini, spécialiste de l'IA, dans "Algocratie" publié par les éditions De Boeck Supérieur.

Aujourd’hui, nos vies se retrouvent sous l’influence de nombreux algorithmes. Il y a ceux qui aident et qui conseillent : le GPS, les algorithmes de recommandation, les moteurs de recherche, les logiciels d’économie circulaire, les sites de rencontre… Il en est une seconde catégorie plus redoutable qui nous oblige et nous emprisonne sans échappatoire possible : les systèmes d’inscription dans les établissements scolaires et universitaires, l’accès au crédit, la fiscalité, la blockchain… et plus récemment toutes les applications pour affronter le Covid. L’intelligence artificielle (IA) a une capacité sans précédent à remodeler les vies individuelles, les sociétés et l’environnement. D’ailleurs l’UE et la Chine, toutes deux des leaders mondiaux dans le développement et le déploiement de technologies d’IA, sont à regarder de près ! En tout cas ces algorithmes sont omniprésents, sont-ils seulement indispensables et, si tel est le cas, comment peut-on améliorer à la fois leur fonctionnement, leur légitimité et l’adhésion complète de leurs usagers ?

Extrait de la préface

Chacun peut constater dans son quotidien l’avènement des systèmes d’information, du Cloud, de l’intelligence artificielle, etc. Les méta-plateformes servent désormais des milliards d’usagers et, face à cela, les grandes institutions publiques, l’État fédéral américain,
l’Union européenne ainsi que les grandes nations mettent en place tout un arsenal juridique visant à éviter que le rapport entre ces
acteurs numériques, de nature presque exclusivement privée et leurs usagers ne soient trop en faveur des premiers et en défaveur des
seconds. Dans ce contexte est apparu, ces dernières années, un débat très vif sur l’importance des libertés individuelles numériques, à l’égard desquelles un consensus assez unanime a émergé pour les défendre…

… La vertu de l’ouvrage d’Hugues Bersini est qu’il met en exergue sans aucune forme de concession les ambiguïtés qui peuvent exister
entre l’individu et le collectif, d’une part, et, d’autre part, entre une décision humaine et une décision algorithmique. À la lumière de son livre, rien de ce qui dans notre culture collective semble évident à l’égard des usages numériques ne le reste vraiment…

…Il montre également combien des décisions que l’on souhaiterait confiées exclusivement aux humains pourraient être mieux effectuées
par un algorithme. Ainsi, d’avoir le droit de conduire une voiture lorsque l’on a bu un verre ou deux, ou encore d’être jugé pour des faits plus ou moins graves. En ce qui concerne le rapport entre l’individu et le collectif, bien souvent on se rend compte qu’ils s’opposent : mes données individuelles ne doivent-elles jamais être réutilisées sans mon accord ? Même si cela permettait de faire avancer le bien commun ? Par exemple, le fait que je parte travailler à 8 h 15 du matin n’intéresse-t-il vraiment que moi ou également la régie de transport qui peut adapter et fur et à mesure la mobilisation de ses équipements ? Des épidémiologues qui pourraient traiter de façon plus efficace d’autres patients atteints d’une pathologie dont j’ai moi-même souffert en accédant à mes données ? Poser ainsi ces questions induit une mise en perspective différente du traditionnel, les données personnelles doivent le rester…

Extrait de la conclusion

Lorsqu’on les interroge, de plus en plus d’Américains considèrent que Google ou Facebook s’acquitteraient beaucoup mieux de la gouvernance publique que les politiques en place actuellement. Bertholet et Létourneau jugent, par exemple, invraisemblable que l’on doive s’en remettre à Facebook pour, en cas de tremblement de terre, bombardement ou autre catastrophe sur un lieu de séjour, avertir ses proches que tout va bien. Nous les rejoignons et ajoutons à leurs doléances les mécanismes de désignation des personnes en charge de la mise en place de cette ubérisation publique et démocratique. De très intéressantes expériences de reprise en main du Big Data et des technologies informatiques par le public et le politique sont en cours dans des villes telles que San Francisco, Boston ou Milton Keynes (en Grande-Bretagne). Boston est le lieu d’expérimentation algorithmique d’un groupe de développeurs sous le label “Code for America” et qui, parmi d’autres réalisations, ont épinglé à leur tableau de chasse l’inscription automatisée dans les écoles publiques.

À Milton Keynes, une myriade de capteurs engrangent toutes les données qu’ils peuvent, en matière de services publics, transports, parkings, consommation énergétique, gestion des déchets, systèmes scolaires, installations domotiques, et beaucoup d’autres. Toutes ces données sont ensuite remises à la disposition des citoyens, chercheurs universitaires ou non, start-ups, et tout acteur que la vie de la cité préoccupe, afin de proposer des solutions innovantes pour chacun de ces biens communs. Cela devrait se généraliser dans toutes les villes, tous les pays. Que les auteurs des algorithmes à venir aient accès à un maximum de données publiques, y compris celles détenues par les GAFAM (et qui leur octroient tant de pouvoir et de suffisance), afin de concevoir et de calibrer les logiciels en charge de notre cohabitation heureuse. Leur rémunération se ferait au départ de nos impôts, comme tout ce qui touche de près ou de loin à la gestion de nos biens publics.

Le livre nous aide à réfléchir sur ce sujet qui touche chaque jour nos usages numériques.

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