Publié le 13 février 2023, modifié le 14 février 2023.
Par Christophe Romei

4 telcos européens investissent massivement dans l’AdTech

Publié le 13 février 2023, modifié le 14 février 2023.
Par Christophe Romei

Les entreprises de télécommunications se rendent compte que pour pouvoir rivaliser avec les plus grands acteurs de l'espace AdTech, elles doivent utiliser leurs actifs existants et créer leurs propres entreprises de publicité et de données.

L’époque où les opérateurs gagnaient de l’argent sur les télécommunications traditionnelles s’est rapidement estompée. La perturbation numérique et des entreprises comme Google et Apple ont mis les opérateurs de télécommunications comme de simples tuyaux, ils cherchent constamment des moyens d’augmenter leurs revenus grâce à une gamme toujours plus large de services et de modèles commerciaux. En plus, il est évident que les telcos voient leurs revenus grignotés par des services de communication over-the-top (OTT) comme WhatsApp. Cela les amène à rechercher de nouvelles sources de revenus, la publicité étant l’une des plus grandes opportunités pour les opérateurs de télécommunications. AdTech est bien adapté aux opérateurs de télécommunications en raison des grands ensembles de données clients dont ils disposent et du fait qu’ils reposent sur l’infrastructure de communication existante.

Les principales opportunités pour les opérateurs de télécommunications dans AdTech incluent la construction de leur propre jardin clos et devenir un fournisseur de pile AdTech, le développement d’une solution d’identification universelle, la construction d’une salle blanche de données et la construction de plates-formes AdTech pour l’industrie CTV et OTT. C’est d’ailleurs l’annonce des 4 opérateurs Deutsche Telekom, Orange, Telefonica et Vodafone qui prévoient la création d’une coentreprise d’ad tech pour la mise en œuvre en Europe d’une plateforme technologique de marketing numérique conçue nativement pour prendre en compte les besoins de protection des données personnelles des consommateurs, il faut bien justifier la création de cette coentreprise 🙂 Cette solution devrait bénéficier à la fois aux consommateurs, aux annonceurs et aux éditeurs, je dirais surtout aux opérateurs, aux éditeurs et annonceurs. Mais le fait de sur jouer la protection des données est liée au business des opérateurs qui est critique, car leurs abonnées ne veulent pas être monétiser comme les GAFA, les utilisateurs considèrent leurs opérateurs souvent comme digne de confiance. Et c’est bien le sujet de la confiance qui va jouer un rôle avec cette annonce des 4 telcos européens investissent massivement dans l’AdTech.

Les quatre sociétés prendront des parts égales de 25 % chacune dans cette nouvelle coentreprise, qui sera basée en Belgique et gérée par une direction indépendante, sous le contrôle d’un Conseil de surveillance nommé par les actionnaires. Selon le CP, cette coentreprise est le résultat d’un projet lancé par Vodafone et géré conjointement par les quatre opérateurs dans le but de développer une solution technologique pour la publicité numérique en Europe. La plateforme a été conçue dès le départ pour être nativement conforme aux politiques européennes de protection des données, telles que le RGPD et la directive ePrivacy. Les partenaires ont initié une expérimentation en Allemagne. D’autres phases de test pourront être envisagées en France et en Espagne pour affiner le développement de la plateforme, qui sera également ouverte à tous les autres opérateurs européens.

Selon eMarker, les revenus publicitaires de ces trois géants de la technologie ont dépassé 200 milliards de dollars en 2021, en croissance de 38,3 % par rapport à 2020, ce qui représente 74 % de toutes les dépenses publicitaires numériques.

La plateforme

La fin des cookies tiers et de Chrome présente des défis pour toutes les entreprises de l’espace publicitaire programmatique et Apple qui a également apporté des modifications à la confidentialité de son identifiant mobile – identifiant pour les annonceurs (IDFA) – a aussi bouleversé l’écosystème. Les opérateurs de télécommunications sont bien placés pour aider à relever ces défis et ils sautent à pieds joints dedans avec l’aval d’un régulateur européen qui donne sont Go à des opérateurs. Il faut savoir que nombreux opérateurs de télécommunications sont entrés dans l’industrie AdTech. Certains ont réussi tandis que d’autres sont sortis. D’ailleurs, ceux qui en sont sortis ont généralement dépensé des millions, voire des milliards de dollars, pour acquérir des sociétés AdTech existantes comme AT&T, Verizon Media et Telenor. SingTel est également sur le point de quitter AdTech en vendant Amobee à Tremor International, une société AdTech, pour plus de 207 millions de dollars. Il existe aussi quelques entreprises de télécommunications qui ont construit leurs propres plates-formes AdTech et opèrent avec succès dans l’espace AdTech comme Airtel, Reliance Jio et Vodafone Idea.

En tout cas toutes ces données peuvent être utilisées pour créer des segments d’audience détaillés et précis et elle ont très précieuses pour les annonceurs. D’ailleurs, Orange, sur un autre secteur qui est celui de la TV, accélère aussi sur un marché avec l’année prochaine, 8 millions de box qui devraient être compatible pour recevoir des campagnes publicitaires ciblées sur leur TV, cela représente 30 % des Français, presque 20 millions de Français. 300 annonceurs ont déjà essayé la publicité TV segmentée ! Les pionniers sur le sujet sont Verizon Media et Vizio qui ont annoncé un partenariat de données en 2021 par lequel Verizon Media a eu accès aux données d’audience Inspace de Vizio à partir de plus de 18 millions de téléviseurs intelligents activés dans le monde.

La plateforme qui est en cours de développement nécessite un consentement explicite du consommateur (opt-in) pour autoriser les marques à réaliser leurs communications via les éditeurs. La seule donnée partagée est un jeton numérique pseudo-anonymisé et non réversible. Ces données vont de la localisation des consommateurs via les stations d’émission-réception de base (BTS) et le comportement en ligne via l’analyse du trafic réseau, au statut démographique et socio-économique (par exemple, les informations des contrats et des plans familiaux). Les consommateurs sont libres de donner ou de refuser leur consentement en un seul clic, ainsi que de révoquer tout autre consentement préalablement donné. Ils peuvent le gérer soit directement sur le site web de la marque ou de l’éditeur, soit via un portail dédié à la protection de la vie privée, facilement accessible. La plateforme est spécifiquement conçue pour apporter une amélioration majeure du contrôle, de la transparence et de la protection des données des consommateurs, qui sont aujourd’hui collectées, distribuées et stockées à grande échelle par de grands acteurs non européens.

Vodafone

Vodafone est un opérateur de télécommunications qui propose déjà un identifiant au niveau de l’opérateur. L’opérateur de télécommunications a lancé TrustPid – un identifiant persistant au niveau du fournisseur d’accès Internet mobile (FAI) qui vise à être à l’abri du blocage des cookies et du masquage des adresses IP. L’ID sera créé à l’aide de divers paramètres et lui attribuera l’activité de l’utilisateur. Les annonceurs pourront alors montrer des publicités ciblées et personnalisées aux utilisateurs mobiles sans divulguer de détails d’identification.

La phase d’expérimentation de la plateforme AdTech menée par Vodafone l’année dernière a permis de tester avec succès la plateforme sur les réseaux de Vodafone et de Deutsche Telekom en Allemagne, en collaboration avec des éditeurs et annonceurs numériques. Cela a permis aux quatre opérateurs de valider la facilité d’utilisation de la plateforme dans le but d’offrir aux consommateurs un plus grand contrôle et une plus grande transparence sur la façon dont les marques communiquent avec eux.

Salle Blanche

Depuis des années, les opérateurs ont des données disséminées partout sur leur architecture et c’est un défi pas souvent maitrisé. Les opérateurs de télécommunications ont accès à d’énormes quantités de précieuses données clients, qui jouent un rôle énorme dans la publicité programmatique en raison des changements croissants en matière de confidentialité. En fournissant des solutions d’identité, par exemple, un identifiant universel, ou en construisant une salle blanche de données, les opérateurs de télécommunications peuvent aider les annonceurs et les éditeurs à faire des affaires.

Il existe une autre opportunité pour les opérateurs de télécommunications est de créer leurs propres salles blanches de données afin de maximiser les avantages des bases de données clients existants. Les salles blanches de données permettent l’échange de données entre les marques et les éditeurs de manière sécurisée pour faire correspondre leurs données de première partie, tout en réduisant le risque d’enfreindre les lois sur la confidentialité et en supprimant la nécessité d’utiliser des cookies tiers. En créant une salle blanche de données, les opérateurs de télécommunications peuvent l’utiliser pour faire correspondre les données des annonceurs avec leurs données clients afin de créer de nouveaux segments pour le ciblage publicitaire, de créer des audiences similaires, de mesurer les performances des campagnes et d’effectuer des analyses de données.

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