Publié le 22 juin 2015, modifié le 6 juillet 2020.
Par La Rédaction

10 questions sur la négo Numericable-SFR et Bouygues Telecom

Publié le 22 juin 2015, modifié le 6 juillet 2020.
Par La Rédaction

L'IDATE revient sur la négociation en cours entre Numericable-SFR et Bouygues Telecom.

l’IDATE revient sur la négociation en cours entre Numericable-SFR et Bouygues Telecom.

Est-ce une surprise ? “Non, tout le monde l’attendait” selon Yves Gassot, Directeur général, IDATE DigiWorld, “car d’une part des représentants d’Altice/Numericable-SFR avaient souligné l’intérêt d’une telle opération et d’autre part, dans la plupart des marchés européens, on observe un repli de la structure des marchés mobiles nationaux de 4 à 3 opérateurs mobiles. C’est le cas en Allemagne, au Royaume Uni, mais aussi très probablement en Italie et en Espagne. Si l’on prend une référence hors Union Européenne, rappelons qu’aux Etats-Unis, il y a 4 opérateurs nationaux pour autant d’habitants que dans les 5 principaux marchés européens.”

Doit-on s’attendre à une hausse des tarifs pour les consommateurs ?

N’oublions pas que nous sommes dans ce secteur, en France comme dans la plupart des pays d’Europe, dans un contexte de déflation… avec une baisse continue des revenus depuis 2008. La France offre en particulier l’exemple de prix qui sont aussi très bas. Ce qui est certes positif pour les clients mais qui peut se faire au détriment de l’investissement (qui aura reculé en France en 2014) et de l’innovation (le prix ne doit pas être le seul paramètre de différenciation dans une vision positive de la concurrence).

D’autre part, en anticipant le nouveau paysage qui découlerait de cette opération, Free dans le mobile devrait rester logiquement agressif sur un plan tarifaire pour réduire l’écart de part de marché : il ne représenterait qu’un peu plus de 7% des revenus du secteur loin derrière Orange (43%) et le nouvel SFR (avec un peu moins de 50%). Dans le fixe les parts de marché sont moins dispersées (respectivement 23,5%/41,5%/35%), mais la concurrence ne devrait pas disparaître.

Faut-il craindre une baisse de l’investissement ?

En valorisation cumulée des CAPEX, on peut théoriquement y voir un risque de baisse. Mais cela reste théorique si l’on prend en compte la situation d’un secteur qui a du mal à se relever et à investir à la hauteur de la croissance du trafic THD fixe et mobile. Encore une fois, l’investissement aura reculé en France en 2014. Et là aussi la comparaison avec les Etats-Unis est intéressante : ces deux dernières années, l’investissement cumulé dans les réseaux mobiles/habitant outre-Atlantique a été de l’ordre du double de ce que l’on a constaté sur les principaux marchés européens.

L’objectif des pouvoirs publics et des associations de consommateurs devrait être d’attendre d’une telle opération une accélération de la couverture du pays en réseaux THD en fibre optique et en réseau THD 4G+.

Qu’a-t-on observé (en matière tarifaire et d’investissement) sur d’autres marchés mobiles européens qui ont connu des consolidations ?

En Allemagne, il est trop tôt pour en tirer des enseignements. Au Royaume-Uni, dans un marché alors à 5 opérateurs, la fusion de T-Mobile UK et d’Orange UK en 2009, respectivement #3 et #4 du marché au moment de l’opération, avec des parts de marché de près de 20% chacun, avait conduit à l’émergence d’un nouveau leader, EE, avec 37% de part de marché au moment de sa mise en place (part de marché « tombée » à 32% en 2014). Les prix, de la voix en particulier, ont poursuivi leur mouvement de recul : baisse de 17% du prix moyen de la minute mobile entre 2009 et 2012. L’investissement du nouvel ensemble s’est replié en 2010 mais est remonté ensuite : l’effort d’investissement de T-Mobile UK et d’Orange représentait en moyenne 9% du chiffre d’affaires réseau des deux opérateurs en 2008, il représente près de 10% du chiffre d’affaires réseau d’EE en 2014 (il est vrai que le chiffre d’affaires cumulé de l’ensemble a baissé de 22% entre les deux dates !)

En Autriche, le rachat de la filiale d’Orange par Hutchison (passage de 4 à 3 opérateurs) a en revanche stoppé la tendance à la baisse des prix et s’est même traduite par une hausse conséquente en 2013 (environ 20% d’augmentation en un an) mais dans un contexte national de prix historiquement bas. L’investissement de l’entité consolidée (au sein de ‘3’) s’est légèrement replié mais l’effort relatif est passé de 16,5% en 2012 à près de 20% en 2014.

Que peuvent attendre les différents acteurs de cette opération si elle se réalise ?

Numericable-SFR devrait bénéficier de quelques 2 milliards d’euros de cash au titre de la cession du réseau de Bouygues Telecom à Iliad/Free. Il doit aussi pouvoir trouver dans l’apport en revenu des abonnés Bouygues Telecom des occasions d’économies d’échelle (amélioration des ratios OPEX et CAPEX du nouvel ensemble).

Bouygues trouve une porte de sortie à des conditions bien supérieures à ce qui était envisagé il y a 6 mois alors même qu’à court terme les perspectives de free cash flow positif ne sont pas assurées.

Iliad peut anticiper la fin des accords de roaming avec Orange et bénéficier d’un réseau 4G disposant d’une des deux meilleures couvertures nationales, et qu’il n’aura pas à construire. Il devrait aussi, directement au titre de l’opération ou indirectement au titre des « remèdes » avoir accès à de nouvelles fréquences.

Quant à Orange, il pourrait voir s’accélérer la perte des revenus de roaming de Free mais bénéficier d’une stabilisation des prix.

Quelle pourrait être l’attitude de l’antitrust et plus largement des pouvoirs publics ?

Sur le mobile, le nouvel SFR deviendrait leader avec un peu moins de 50% des revenus du secteur, devant Orange à 42% et Free à >7%. Cette structure de marché n’est certes pas très favorable a priori aux attentes d’une autorité de la concurrence. Mais s’agissant de cette opération, elle sera amenée à ce titre à regarder son volet Bouygues Telecom-Iliad qui devrait être perçu comme la garantie du maintien d’une concurrence effective en donnant des atouts au plus petit des opérateurs ; selon les options retenues en terme de cessions de fréquences dans l’opération proposée, l’anti-trust pourrait de façon complémentaire imposer d’autres cessions de spectre et des dispositions favorables aux MVNO.

Le problème numéro 1 pour les pouvoirs publics est celui de la déstabilisation du règlement des prochaines enchères arrêté par l’ARCEP. Ce règlement original a été paramétré pour maximiser les incitations à enchérir pour un marché à 4 acteurs. Il faut maintenant imaginer, tout en sachant que le closing de l’opération ne devrait pas intervenir avant les enchères, les conséquences de ce règlement avec le projet de 3 opérateurs…

Sur le fixe, les pouvoirs publics pourraient trouver dans cette opération un levier pour renforcer les garanties de voir se déployer les réseaux THD en fibre conformément aux engagements des opérateurs (essentiellement de Numericable-SFR et Orange, de loin les principaux investisseurs).

Est-ce une surprise ? “Non, tout le monde l’attendait” selon Yves Gassot, Directeur général, IDATE DigiWorld, “car d’une part des représentants d’Altice/Numericable-SFR avaient souligné l’intérêt d’une telle opération et d’autre part, dans la plupart des marchés européens, on observe un repli de la structure des marchés mobiles nationaux de 4 à 3 opérateurs mobiles. C’est le cas en Allemagne, au Royaume Uni, mais aussi très probablement en Italie et en Espagne. Si l’on prend une référence hors Union Européenne, rappelons qu’aux Etats-Unis, il y a 4 opérateurs nationaux pour autant d’habitants que dans les 5 principaux marchés européens.”

Doit-on s’attendre à une hausse des tarifs pour les consommateurs ?

N’oublions pas que nous sommes dans ce secteur, en France comme dans la plupart des pays d’Europe, dans un contexte de déflation… avec une baisse continue des revenus depuis 2008. La France offre en particulier l’exemple de prix qui sont aussi très bas. Ce qui est certes positif pour les clients mais qui peut se faire au détriment de l’investissement (qui aura reculé en France en 2014) et de l’innovation (le prix ne doit pas être le seul paramètre de différenciation dans une vision positive de la concurrence).

D’autre part, en anticipant le nouveau paysage qui découlerait de cette opération, Free dans le mobile devrait rester logiquement agressif sur un plan tarifaire pour réduire l’écart de part de marché : il ne représenterait qu’un peu plus de 7% des revenus du secteur loin derrière Orange (43%) et le nouvel SFR (avec un peu moins de 50%). Dans le fixe les parts de marché sont moins dispersées (respectivement 23,5%/41,5%/35%), mais la concurrence ne devrait pas disparaître.

Faut-il craindre une baisse de l’investissement ?

En valorisation cumulée des CAPEX, on peut théoriquement y voir un risque de baisse. Mais cela reste théorique si l’on prend en compte la situation d’un secteur qui a du mal à se relever et à investir à la hauteur de la croissance du trafic THD fixe et mobile. Encore une fois, l’investissement aura reculé en France en 2014. Et là aussi la comparaison avec les Etats-Unis est intéressante : ces deux dernières années, l’investissement cumulé dans les réseaux mobiles/habitant outre-Atlantique a été de l’ordre du double de ce que l’on a constaté sur les principaux marchés européens.

L’objectif des pouvoirs publics et des associations de consommateurs devrait être d’attendre d’une telle opération une accélération de la couverture du pays en réseaux THD en fibre optique et en réseau THD 4G+.

Qu’a-t-on observé (en matière tarifaire et d’investissement) sur d’autres marchés mobiles européens qui ont connu des consolidations ?

En Allemagne, il est trop tôt pour en tirer des enseignements. Au Royaume-Uni, dans un marché alors à 5 opérateurs, la fusion de T-Mobile UK et d’Orange UK en 2009, respectivement #3 et #4 du marché au moment de l’opération, avec des parts de marché de près de 20% chacun, avait conduit à l’émergence d’un nouveau leader, EE, avec 37% de part de marché au moment de sa mise en place (part de marché « tombée » à 32% en 2014). Les prix, de la voix en particulier, ont poursuivi leur mouvement de recul : baisse de 17% du prix moyen de la minute mobile entre 2009 et 2012. L’investissement du nouvel ensemble s’est replié en 2010 mais est remonté ensuite : l’effort d’investissement de T-Mobile UK et d’Orange représentait en moyenne 9% du chiffre d’affaires réseau des deux opérateurs en 2008, il représente près de 10% du chiffre d’affaires réseau d’EE en 2014 (il est vrai que le chiffre d’affaires cumulé de l’ensemble a baissé de 22% entre les deux dates !)

En Autriche, le rachat de la filiale d’Orange par Hutchison (passage de 4 à 3 opérateurs) a en revanche stoppé la tendance à la baisse des prix et s’est même traduite par une hausse conséquente en 2013 (environ 20% d’augmentation en un an) mais dans un contexte national de prix historiquement bas. L’investissement de l’entité consolidée (au sein de ‘3’) s’est légèrement replié mais l’effort relatif est passé de 16,5% en 2012 à près de 20% en 2014.

Que peuvent attendre les différents acteurs de cette opération si elle se réalise ?

Numericable-SFR devrait bénéficier de quelques 2 milliards d’euros de cash au titre de la cession du réseau de Bouygues Telecom à Iliad/Free. Il doit aussi pouvoir trouver dans l’apport en revenu des abonnés Bouygues Telecom des occasions d’économies d’échelle (amélioration des ratios OPEX et CAPEX du nouvel ensemble).

Bouygues trouve une porte de sortie à des conditions bien supérieures à ce qui était envisagé il y a 6 mois alors même qu’à court terme les perspectives de free cash flow positif ne sont pas assurées.

Iliad peut anticiper la fin des accords de roaming avec Orange et bénéficier d’un réseau 4G disposant d’une des deux meilleures couvertures nationales, et qu’il n’aura pas à construire. Il devrait aussi, directement au titre de l’opération ou indirectement au titre des « remèdes » avoir accès à de nouvelles fréquences.

Quant à Orange, il pourrait voir s’accélérer la perte des revenus de roaming de Free mais bénéficier d’une stabilisation des prix.

Quelle pourrait être l’attitude de l’antitrust et plus largement des pouvoirs publics ?

Sur le mobile, le nouvel SFR deviendrait leader avec un peu moins de 50% des revenus du secteur, devant Orange à 42% et Free à >7%. Cette structure de marché n’est certes pas très favorable a priori aux attentes d’une autorité de la concurrence. Mais s’agissant de cette opération, elle sera amenée à ce titre à regarder son volet Bouygues Telecom-Iliad qui devrait être perçu comme la garantie du maintien d’une concurrence effective en donnant des atouts au plus petit des opérateurs ; selon les options retenues en terme de cessions de fréquences dans l’opération proposée, l’anti-trust pourrait de façon complémentaire imposer d’autres cessions de spectre et des dispositions favorables aux MVNO.

Le problème numéro 1 pour les pouvoirs publics est celui de la déstabilisation du règlement des prochaines enchères arrêté par l’ARCEP. Ce règlement original a été paramétré pour maximiser les incitations à enchérir pour un marché à 4 acteurs. Il faut maintenant imaginer, tout en sachant que le closing de l’opération ne devrait pas intervenir avant les enchères, les conséquences de ce règlement avec le projet de 3 opérateurs…

Sur le fixe, les pouvoirs publics pourraient trouver dans cette opération un levier pour renforcer les garanties de voir se déployer les réseaux THD en fibre conformément aux engagements des opérateurs (essentiellement de Numericable-SFR et Orange, de loin les principaux investisseurs).

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