Vulnérabilités et contradictions profondes de l’écosystème tech
Samaipata, le fonds d’investissement d’amorçage des startups pan-européennes, tire des enseignements suite à la crise connue par la banque américaine Silicon Valley Bank.
La Silicon Valley Bank (« SVB »), banque californienne dont les actifs s’élèvent à plus de 200 milliards de dollars, a annoncé la semaine dernière deux transactions stratégiques : la vente d’un portefeuille de 21 milliards de dollars de titres du Trésor américain et une augmentation du capital de 2,25 milliards de dollars. Plus précisément, la banque a subi une perte de 1,8 milliard de dollars à la suite de cette cession de titres. Par la suite, la banque a renforcé sa position en capital par le biais d’une augmentation du capital visant à renflouer sa trésorerie, General Atlantic agissant en tant qu’investisseur de référence (500 millions de dollars). L’action de SVB a subi une baisse de 60 % après l’annonce de ces transactions. La négociation des actions a été interrompue avant la mise sur le marché le 10 mars, tandis que les détenteurs de dépôts retiraient massivement leurs fonds en raison de la panique généralisée qui régnait sur le marché. Le lundi 13, HSBC a sauvé la succursale britannique pour un dollar, tandis qu’aux États-Unis, le gouvernement est intervenu pour protéger tous les déposants de la SVB. La banque était aussi populaire auprès des startups technologiques, y compris celles basées en Chine et soutenues par des investisseurs américains. Le système en ligne d’ouverture d’un compte chez SVB avait permis l’utilisation d’un numéro de mobile chinois pour vérification, a déclaré un fondateur de la startup technologique chinoise.
Une liste d’entreprises à travers le monde qui ont leurs dépôts auprès de la banque, les entreprises aux États-Unis ont divulgué plus de 4 milliards de dollars de dépôts, en plus de diverses facilités de crédit, auprès de la banque, comme Roblox, Roku, Buzzfeed, Applovin, Circle, Blockfi… Certaines avec peu de fonds, d’autre avec beaucoup. Ces derniers jours ont mis en lumière des vulnérabilités et des contradictions profondes de l’écosystème Tech. Il est donc nécessaire de tirer des enseignements pour l’avenir, que ce soit pour les VC et pour les entrepreneurs.
Une gestion du risque plus sophistiquée
La protection contre les “downsides” est en général négligée par les milieux de l’investissement early stage et par les entrepreneurs qui préfèrent optimiser pour une croissance rapide. Cela dit, un board avisé managera également en ayant pleinement conscience et en anticipant les différents risques auxquels la société est exposée. Si les fonds peuvent bien évidemment prendre des risques propres à la technologie, à l’industrie ou à l’innovation business, leur responsabilité fiduciaire n’inclut pas la prise de risque sur le plan légal, financier ou sur la compliance. À titre d’exemple, les fonds devraient préconiser aux startups de diversifier leur exposition financière en détenant des liquidités sur différents comptes. Cette pratique, qui pouvait sembler inutile dans le passé, semble aujourd’hui judicieuse.
Une communauté Tech hyper connectée
La Tech est sans doute un des secteurs les plus interconnectés. Cet épisode a mis en lumière la “caisse de résonance” du secteur de la Tech, magnifié par les réseaux sociaux. Ce phénomène de résonance a accéléré la chute de la Silicon Valley Bank à une vitesse vertigineuse, car les réseaux sociaux ont probablement créé une anxiété inutile pour de nombreux acteurs du secteur, alors que les régulateurs ont très bien fait leur travail pendant leur week-end. La prise de parole devrait être exercée de manière plus responsable. Il s’agirait d’inclure plus de pluralité et de diversité dans le débat public. Une crise de relations publiques, même sous stéroïdes, ne devrait pas entraîner une ruée sur les banques.
Des nouveaux enjeux à prendre en compte
Pour Samaipata, cet épisode illustre, entre autres, la répercussion du changement récent de paradigme économique. En effet, la hausse des taux d’intérêt a entraîné des répercussions significatives sur les startups Tech et leurs modes de financement. La chute de la SVB prouve à quel point certains acteurs de l’écosystème ont estimé qu’une décennie anormalement prospère était tout simplement la nouvelle norme. SVB avait investi près de la moitié de ses actifs dans un seul type d’obligation, US2Y, avec peu de couvertures.
Cela dit, le cas de la SVB est assez unique : son portefeuille de clients est fortement concentré sur les startups financées par le capital-risque et donc anormalement exposé à la dynamique du marché de la collecte de fonds pour les startups. La banque a connu une croissance très agressive au cours des dernières années et donc logiquement, elle a été fortement impactée par le ralentissement du marché du capital-risque au cours des 18 derniers mois. Cela ne s’applique guère au secteur bancaire dans son ensemble. La situation n’est pas du tout comparable à 2008, car le risque systémique reste faible. De plus, le marché est beaucoup moins concentré en Europe qu’aux États-Unis.