Pourquoi les douaniers américains ont besoin d’un mandat pour fouiller votre téléphone ?
Un juge fédéral a statué que les fouilles de téléphones sans mandat dans les ports d'entrée sont en violation de la Quatrième Amendement. Ce verdict soulève-t-il des questions sur la sécurité et la vie privée aux frontières ?
Dans un jugement sans précédent, un juge fédéral de New York a statué que la douane et la protection des frontières (CBP) des États-Unis ne peuvent pas fouiller les téléphones des voyageurs sans mandat. Ce verdict revêt une importance majeure, bien qu’en pratique, il ne s’applique qu’au district oriental de New York.Cela ne doit pas être sous-estimé car ce district englobe l’aéroport John F. Kennedy de Queens, le sixième aéroport le plus chargé du pays. Selon les statistiques officielles de l’agence, la CBP a effectué plus de 230 000 fouilles d’appareils électroniques sur les frontières terrestres, dans les ports maritimes et les aéroports entre 2018 et 2023.
Un cas judiciaire complexe
Cette décision est émise suite à un procès contre Kurbonali Sultanov, un citoyen américain naturalisé originaire d’Ouzbékistan. Suspecté de détention d’images pédopornographiques, Sultanov fut contraint de remettre son téléphone à la CBP. Bien que les agents aient par la suite obtenu un mandat pour fouiller le téléphone, Sultanov a contesté la légalité de la fouille initiale.
Une fouille anticonstitutionnelle ?
La juge Nina R. Morrison a cependant réfuté l’argument de Sultanov visant à supprimer les éléments de preuve issus de son téléphone. Selon elle, la deuxième fouille du téléphone a été menée en toute bonne foi et conformément à un mandat. Néanmoins, elle a conclu que la fouille initiale du téléphone par la CBP était « anticonstitutionnelle » au regard du quatrième amendement. En 2021, une cour d’appel américaine a jugé que les agents de la CBP pouvaient fouiller les téléphones des voyageurs et autres appareils sans mandat ni suspicion raisonnable. Ce jugement allait à l’encontre d’un précédent jugement qui affirmait que de telles fouilles sans mandat ni suspicion violaient le quatrième amendement.
Morrison, citant ce jugement et plusieurs autres affaires similaires, a statué que les fouilles des téléphones sont non routinières. « La distinction entre les fouilles manuelles et les fouilles informatiques est un argument trop faible pour justifier une exemption catégorielle à l’exigence d’un mandat du quatrième amendement. »
Des implications au-delà du cas Sultanov
Malgré sa portée géographique limitée, ce cas a des implications qui vont bien au-delà du procès de Sultanov. Le Knight First Amendment Institute de l’Université Columbia et le Comité des reporters pour la liberté de la presse ont tous deux déposé des mémoires d’amici dans ce procès, soutenant que la possibilité pour la CBP de fouiller sans mandat les téléphones des voyageurs à l’entrée du pays compromet la liberté de la presse.