[MWC23] L’Europe est en guerre aussi dans la connectivité

Un énorme changement de paradigme est en train de se produire et l'Europe doit et peut y jouer un rôle de premier plan. Nous sommes rentrés aussi dans ce que l'on appelle une TechWar !
Comme le rapporte Reuters, Thierry Breton a utilisé un discours au Mobile World Congress pour affirmer qu’il ne considérait pas la question comme « un choix binaire entre ceux qui fournissent des réseaux aujourd’hui et ceux qui les alimentent en trafic « , ajoutant que pour lui le vrai défi est de s’assurer que, d’ici à 2030, les concitoyens et les entreprises dans les rues à travers l’UE, y compris ici à Barcelone, ont accès rapidement, connectivité gigabit fiable et intense en données. Dans le même temps, les principaux CEO des opérateurs qui ont donné des discours, comme Christel Heydemann, directrice générale du groupe Orange, rappelant que cinq entreprises sont responsables de 55 % du trafic réseau, que les services de streaming OTT (Over The Top) comme YouTube et Netflix consomment comme jamais de la bande passante. Les milléniaux et les GenZ regardent plus de contenu vidéo sur mobile que sur la télévision.
Le président de Telefónica et de la GSMA, José María Álvarez-Pallete, a rappelé que « sans les opérateurs télécoms, il n’y a pas d’avenir numérique ». On comprend bien que les opérateurs et l’Europe sont sur la même longueur d’onde, d’autant que Thierry Breton est immergé dans cette industrie depuis très longtemps 🙂 Il a rappelé qu’il est temps d’avoir une discussion sérieuse sur le possible obstacle existant à la consolidation transfrontalière des fournisseurs de communications électroniques dans l’UE et sur les avantages d’un marché intégré du spectre. Deux problèmes qui freinent le potentiel collectif.
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Mais le thème de son discours est à l’offensive. Il rappelle que la connectivité, comme l’eau ou l’électricité, est devenue un bien essentiel pour tous les ménages et les entreprises. Que, pour commencer, nous devons abandonner notre perception de longue date du fonctionnement des réseaux, de leur structure et de la manière dont les utilisateurs se connectent et se croisent avec les réseaux ! Que nous assistons à d’immenses transformations technologiques qui vont impacter significativement les business modèles de tous les acteurs économiques de l’espace numérique. Son discours prépare les dix prochaines années avec la 6G puisque, car, pour lui, la vraie transition sera le Web 4.0 où tout est interconnecté de manière transparente. Avec des jumeaux virtuels, la copie de tout, pour gérer et prédire le comportement d’un bâtiment à une voiture, le corps humain et même la planète Terre. Que cette transition ne sera pas possible sans l’utilisation du supercalcul. Nous devrons pouvoir déplacer rapidement des quantités massives de données. C’est vrai que l’on constate toujours des retards de plus de 200 millisecondes, ce qui n’est pas suffisant pour éviter les accidents entre les voitures interconnectées. Il y a donc besoin d’une faible latence, de calculs rapides et d’interopérabilité.
Et cela devrait être étayé par des systèmes interopérables dans le monde entier. Nous nous attendons à ce que le Web 4.0 soit activé par les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée et l’interaction « symbiotique » entre les humains et les machines. Il a déclaré que les réseaux d’aujourd’hui ne sont tout simplement pas à jour avec la transformation massive en cours.
Thierry Breton est un excellent VRP de la GSMA, puisque certains passages de son discours auraient pu être prononcés par les opérateurs eux-mêmes : « La révolution de la connectivité remet en cause le modèle traditionnel d’intégration verticale. L’industrie numérique devra évoluer vers la décentralisation et l’interopérabilité, en se concentrant sur le développement de systèmes ouverts et interopérables permettant à différents appareils et applications de travailler ensemble pour créer un monde plus connecté et plus efficace. »
Qu’en pense ChatGPT ?
We asked #ChatGPT if large traffic originators should contribute to network investment and this is what it said…#FairShare #MWC23 #MWC23MP pic.twitter.com/5Q4oHgc1R3
— GSMA Europe (@GSMAEurope) February 28, 2023
Hyperscalers
Là aussi, le discours est intéressant : « Nous voyons des hyperscalers dans les services de cloud et de plate-forme tirer parti de leur domination du marché pour entrer dans l’espace des télécommunications, en utilisant leurs réserves de trésorerie pour développer des réseaux Cloud RAN et fournir des services directs aux entreprises. Et l’interopérabilité ou l’ouverture ne sont pas actuellement une caractéristique forte de leur modèle économique. » Pourtant, les grands opérateurs européens ont tous passé des accords pour l’hébergement de leur data avec les Gafa. Amazon, Microsoft et Google chassent les opérateurs télécoms depuis des années avec des trophées importants, notamment pour aider les opérateurs télécoms à gérer le trafic 5G à la périphérie du réseau. Et ils espèrent également créer de nouvelles opportunités commerciales dans la prestation de services 5G, les réseaux privés et l’Internet des objets.
Dernières annonces hier de la GSMA, qui a lancé une nouvelle initiative autour des API pour 21 opérateurs avec la capacité d’atteindre 3,8 milliards de personnes avec huit API standardisées sous CAMARA et aussi avec Amazon Web Services (AWS), Google Cloud, Microsoft ! Alors quand Thierry Breton pose les questions en 2023 : « De quelle infrastructure l’Europe a-t-elle besoin pour mener la transformation numérique dans les années à venir ? Notre réglementation est-elle adaptée aux nouvelles réalités technologiques et pour tirer le meilleur parti du marché unique de l’UE ? » C’est excellent, mais avec 10 ans de retard !
D’autant qu’il rappelle avec justesse que nous ne tirons pas le meilleur parti du potentiel de notre marché unique européen avec ses 440 millions de citoyens (480 millions avec l’Ukraine en voie d’adhésion à l’UE). Il est temps que nous ayons une discussion sérieuse sur les éventuels obstacles existants à la consolidation transfrontalière des fournisseurs de communications électroniques dans l’UE ainsi que sur les avantages d’un marché intégré du spectre. 110 opérateurs pour 440 millions de personnes, 4 pour les US, 4 pour la Chine !
En tout cas, ce discours est à l’offensive sur de nombreux sujets numériques, mais bizarrement pas un mot sur les efforts à faire sur le réchauffement climatique, d’autant qu’il a encouragé son auditoire à se concentrer sur l’avenir, où nous voulons être et les mesures que nous devons prendre pour y arriver.
L’idée de base
L’idée de base pour l’Europe est que les entreprises de télécommunications exigent un paiement des deux côtés du câble et fassent payer les entreprises de contenu et d’Internet pour pouvoir atteindre les internautes en Europe. Plusieurs pays, dont les Pays-Bas se sont exprimés sur les conséquences que cette proposition aurait pour les consommateurs, l’innovation et l’écosystème Internet.
Y a-t-il une justification économique à une telle intervention réglementaire. Ils n’ont pas non plus trouvé de preuve de « free riding » des entreprises américaines de Big Tech, car les consommateurs demandent les vidéos aux services en ligne via la connexion Internet qu’ils paient déjà et parce que la croissance du trafic n’a pas entraîné de baisse des revenus pour les entreprises de télécommunications. Les régulateurs ont averti que cette proposition pourrait faire « un préjudice important à l’écosystème Internet ». La Commission européenne a lancé une consultation publique qui a été largement remis en cause pour son biais dans son questionnaire qui rapproche l’UE d’une proposition législative lancée dès septembre 2023. Alors que sept pays de l’UE (Allemagne, Danemark, Estonie, la Finlande, l’Irlande, les Pays-Bas et la Suède) ont fait écho aux préoccupations dans une lettre ouverte appelant à une diligence raisonnable.
La question : est-ce une attaque contre la neutralité du net ?