Publié le 13 juin 2022, modifié le 14 juin 2022.
Par La Rédaction

Et si Huawei était russe, pas chinois

Publié le 13 juin 2022, modifié le 14 juin 2022.
Par La Rédaction

À quoi ressemblerait le monde si Huawei était russe, c'est la prospective que vient de faire Strand Consult, cabinet de conseil indépendant qui produit des rapports stratégiques, des notes de recherche et des ateliers sur l'industrie des telcos mobiles.

Nous vivons une époque incroyable, jamais nous n’aurions pensé relayer une telle alerte il y a 5 ans ! Nous lisons depuis des années les notes de Strand Consulting, ils sont très pointus dans leur domaine avec plus de 170 opérateurs sur leur liste de clients. Ils ont tout de même des idées très arrêtées sur certains sujets que l’on ne partage pas toujours. 🙂

Imaginez que Huawei soit une entreprise russe et imaginez comment la Russie pourrait exploiter la dépendance de l’Europe vis-à-vis de Huawei de la même manière qu’elle exploite le fait que l’Europe dépend du gaz russe. Imaginez que la Russie ferme de grandes parties de l’infrastructure mobile en Allemagne, aux Pays-Bas, en République tchèque, en Autriche et en Pologne, de la même manière qu’elle l’a fait avec le gaz dans certains pays. Les décideurs européens ne veulent pas l’imaginer, mais c’est techniquement faisable. Le rapport 2020 de Strand Consult montre que le risque est sérieux non seulement en Allemagne, mais aussi sur 102 réseaux mobiles dans 31 pays qui ont confié de grandes parties de leurs réseaux à Huawei et ZTE. Même si Huawei s’est opposé à une telle fermeture, selon Strand, le gouvernement chinois est mis en place pour obliger les entreprises à réaliser ses souhaits.

Si Huawei était russe, l’Europe aurait un double problème. La Russie pourrait fermer les réseaux de gaz et de téléphonie mobile de nombreux pays européens et paralyser l’économie. L’Allemagne et un certain nombre d’autres pays dépendent autant des chinois Huawei et ZTE que du gaz russe. Ce n’est pas bon pour la sécurité nationale, ni pour l’Europe d’ailleurs. La Russie et la Chine sont des pays autoritaires et totalitaires qui dégradent les droits de l’homme. Ils ont le même point de vue sur des pays et des régions comme Hong Kong, Taïwan, la Crimée et l’Ukraine. Ils ne se soucient pas du désir d’autodétermination des habitants de ces lieux. Ils utiliseront diverses tactiques pour dissuader et finalement écraser l’opposition. La Russie et la Chine emploieront des pirates informatiques pour attaquer des nations libres et d’autres.

Les décideurs politiques et les opérateurs de téléphonie mobile devraient se demander ce qui se passera si la Chine envahit Taïwan comme ils ont dit l’envisager, tout comme la Russie a envahi l’Ukraine. L’une des armes et des leviers les plus puissants de la Chine contre les sanctions occidentales sera de fermer l’infrastructure de télécommunications des pays qui sanctionnent la Chine. L’Allemagne et d’autres pays vont être mis à l’épreuve, car ils sont profondément dépendants du gaz russe et des TIC chinoises.

Peu de pays ou d’opérateurs de téléphonie mobile, voire aucun, n’avaient de plan pour se préparer et répondre à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils ne sont pas non plus préparés à une invasion chinoise de Taïwan. La Chine peut militariser les TIC tout comme la Russie militarise le gaz. Les conséquences seront probablement pires si demain la Chine ferme les infrastructures Huawei.

De plus, les entreprises n’ont pas répondu et ne répondront pas de manière uniforme, comme Strand Consult l’a décrit dans une note d’avril : Huawei et Lenovo restent, mais leurs concurrents américains et européens se sont retirés. De nombreuses entreprises françaises se sont retirées de Russie, mais Eutelsat français distribue toujours le réseau à des millions de foyers russes. Selon Strand, il n’est pas trop tard pour supprimer et remplacer les équipements de télécommunications et autres TIC chinois, mais le temps presse. La question pour l’Europe est de savoir si et dans quelle mesure ses opérateurs de télécommunications peuvent exploiter leurs réseaux sans équipement fabriqué en Chine et l’impact du remplacement de l’équipement pour des raisons de sécurité.

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