Publié le 16 juin 2022, modifié le 5 juillet 2023.
Par Christophe Romei

Si le numérique veut vraiment devenir sérieux sur le post carbone…

Publié le 16 juin 2022, modifié le 5 juillet 2023.
Par Christophe Romei

L'usage croissant des services numériques affecte désormais l'évolution de la consommation en énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelle planétaire. Que faire ?

Depuis plusieurs mois, je lis, regarde, écoute, comme beaucoup d’entre vous, des nouvelles sur les alertes concernant l’urgence climatique dans le monde ! Cette semaine, j’ai écouté un podcast d’une conversation avec Jean Marc Jancovici qui est parfois technique, mais sûrement une démonstration efficace de ce qu’il faut comprendre et faire sur ce sujet et qui ne concerne pas que les presque 68 millions de Français, mais les 7,8 milliards d’humains sur la planète. La conversation est anxiogène, car elle assène des faits et pas une histoire qui doit toucher les humains que nous sommes.

Quelques heures plus tard, je lis un article passionnant sur comment les gens accèdent et pensent aux nouvelles des médias sur le changement climatique. Mais lorsqu’il s’agit d’actualités sur ce sujet, les médias ont souvent du mal à attirer l’attention du public. L’histoire peut sembler insoluble, déprimante et souvent difficile à comprendre. Il est également fréquemment politisé, avec des publics polarisés sur le sujet. L’article reprend un rapport de Reuters sur le sujet qui explore les attitudes et les comportements du public en ce qui concerne les informations sur le changement climatique, en fournissant des informations qui peuvent aider les salles de rédaction dans leur réflexion sur la manière de couvrir un problème aussi complexe, ainsi que comment susciter l’intérêt du public.

Très clairement, les acteurs qui portent ce message urgent doivent absolument réfléchir à comment porter les nombreux sujets autour de la décarbonation et de l’adaptation au changement climatique. D’autant que l’intérêt pour ce sujet n’est pas évident pour tous. Le rapport montre qu’au niveau global, les données montrent que l’intérêt pour les nouvelles sur le changement climatique est le plus élevé dans plusieurs marchés d’Amérique latine, d’Europe du Sud et d’Asie-Pacifique. Un peu plus de la moitié des personnes interrogées en Grèce (53 %), au Portugal (53 %), au Chili (52 %) et aux Philippines (52 %) déclarent être intéressées par les informations sur le changement climatique et l’environnement. L’intérêt est plus faible sur les marchés d’Europe du Nord et de l’Ouest comme la Norvège (33 %) et la France (36 %), ainsi que les États-Unis (30 %). Dans l’ensemble des marchés, ceux qui s’intéressent davantage aux nouvelles sur le changement climatique ont tendance à avoir des niveaux de revenu et d’éducation plus élevés. Peut-être étonnamment, ils ont aussi tendance à être plus âgés.

L’article conclut sur le fait que, si ce sont les manifestations très visibles du changement climatique – incendies, inondations et sécheresses – qui attirent l’attention, cela pose en soi un problème. Une action et, par conséquent, des informations crédibles, qui fourniront des histoires claires et des visuels attrayants sera essentiel pour éclairer les consciences, absolument nécessaire avant la catastrophe. Pourtant, les tendances à long terme, les risques futurs invisibles et les complexités scientifiques du changement climatique sont plus difficiles à aborder avec le public, en particulier lorsque d’autres crises immédiates, de l’inflation à la guerre en Ukraine, sont à nos portes. Le changement climatique est un sujet d’actualité difficile à couvrir et il n’est pas clair qu’il existe une approche unique pour tous.

Tech & Startup

Cet après-midi, je lis un post sur LinkedIn sur plusieurs moyens d’agir (sont-ils les bons marqueurs ?) qui concernent les entreprises et startups de la tech qui donne une feuille de route qui malheureusement aurait dû être suivi depuis longtemps. Comment expliquer ce temps long depuis les émissions de Ushuaïa Nature qui nous faisaient découvrir chaque mois (démarrage en 1998) la merveilleuse planète où nous habitons ? Ces voyages sont l’occasion de rencontres avec des glaciologues (Luc Moreau), des zoologistes et des botanistes, le plus récurrent étant probablement le biologiste marin Laurent Ballesta. Elles permettent de faire partager la découverte d’espèces endémiques et d’insister sur l’importance de la préservation de l’écosystème pour maintenir l’équilibre de la planète. Revenons à la tech…

Si “la tech” veut vraiment devenir sérieuse sur la question, elle doit :

  • Faire des calculs avec des méthodes adaptées (et auditées) sur l’empreinte carbone des développements proposés (les méthodes existent
  • Joindre ce calcul à tout dossier de levée de fonds. Les fonds d’investissement (private equity en anglais) devraient s’interdire de mettre le moindre dollar dans des “techs” qui ne sont pas compatibles avec la même baisse des émissions de 5 % par an. Ça interdirait juste les trois quarts (voire plus) des investissements dans la “tech”, mais est-ce vraiment un problème ?
  • S’interdire de développer toute nouveauté qui n’est pas compatible avec une baisse de 5 % par an des émissions planétaires (la méthode pour faire cela existe).

Dans le même temps, un autre article en lien dans ce post montre que l’usage croissant des services numériques affecte désormais l’évolution de la consommation en énergie et des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle planétaire. Entre 2013 et 2017, la consommation énergétique du secteur a cru de 50 %, représentant désormais entre 6 % et 10 % de la consommation mondiale d’électricité, très intense en carbone à l’échelle planétaire. Maillons indispensables de la chaîne de valeur du numérique pour l’utilisation et le stockage des données, les datacenters se développent de façon exponentielle. Or, les serveurs qui les composent ont besoin d’une quantité importante d’électricité pour fonctionner. Leur fabrication requiert également une forte mobilisation de matières premières avec de nombreux impacts environnementaux. En tant que géants du numérique, les hyperscalers, Amazon, Google et Microsoft, prennent-ils en compte pertinemment ces enjeux environnementaux ? Comment comprendre et analyser leur communication sur le climat ?

Industrie mobile

Elle est en première ligne. Les opérateurs mobiles ont inclus maintenant des évaluations énergétiques dans les spécifications d’achat d’équipements et les normes 5G introduisent de nouvelles fonctionnalités de réseau telles que les modes veille pour réduire la consommation d’énergie. Toutes ces pratiques ont permis de réduire les émissions de CO2, mais cela n’est pas suffisant. Une station de base mobile, qui abrite l’équipement du réseau radio, est le composant le plus énergivore d’un réseau mobile. La 5G est une opportunité de fournir une infrastructure de communication plus écologique, mais il faut travailler et construire. Dans le même temps, il faut identifier les conséquences environnementales imprévues de la feuille de route 5G et en tirer des conclusions sur les conséquences réelles de l’impact environnemental du déploiement de la 5G. Sur ce sujet, Jean Marc Jancovici et le Shift Project ont un avis différent ! Il est temps que la GSMA et les 800 opérateurs dans le monde échangent avec leurs équipes !

Application

Le consommateur mobile moyen a un nombre accru d’applications téléchargées sur son appareil mobile. Au second semestre 2020, le consommateur moyen avait 110 applications installées, une augmentation par rapport à 87 applications au cours de la même période il y a 2 ans. La pandémie a accéléré ce changement de comportement, atteignant un sommet en heures passées au cours du premier semestre 2020 (lorsque les verrouillages étaient à leur apogée). Le temps passé dans les applications reste élevé, même si de nombreux consommateurs sont désormais en mesure de s’aventurer dans une période post-confinement.

En 2019, une entreprise française, Greenspector, avait dévoilé le Top 30 de la consommation énergétique des applications mobiles les plus populaires dans le monde en partenariat avec Atos. Si les datacenters sont souvent pointés du doigt dans l’émission de gaz à effet de serre du secteur numérique (qui représentera près de 10 % des émissions sur la planète d’ici à 2025), les applications mobiles ne sont pas en reste, comme le démontre l’étude. La projection des consommations annuelles des applications mobiles (hors utilisation des réseaux et des serveurs des datacenters) équivaut à 20 térawatts-heures, soit quasiment l’équivalent de la consommation annuelle en électricité d’un pays comme l’Irlande (5 millions d’habitants).

Quand vous concevez une application, il faut absolument prendre en compte le changement climatique avec différents moyens comme un meilleur code, une eco-conception de l’app. Il est certain que ce changement de mentalité ne peut se faire qu’avec des outils et des engagements sur l’élaboration de bonne pratique pour l’ensemble de l’industrie du développement des applications. Si vous voulez en savoir plus, écoutez le podcast ci-dessous avec Olivier Philippot, CTO de Greenspector, avec qui nous avons échangé sur la sobriété numérique, les principes d’éco-conception, ce que l’entreprise doit faire pour réduire son impact environnemental numérique, les bonnes pratiques d’UX, des OS, etc.

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