Publié le 11 juillet 2016.
Par Stephane Pitoun

Le retail se réinvente avec le marketing mobile

Publié le 11 juillet 2016.
Par Stephane Pitoun

Attaché à l’enseigne physique, le retail s’est toujours montré réticent à la transformation digitale. Pourtant, à regarder le marché français, l’e-commerce a le vent en poupe : en 2015, celui-ci a connu une croissance 10 fois supérieure au commerce « traditionnel » . Et le lancement d’Amazon Prime, qui propose de livrer ses clients Premium en une heure (à Paris uniquement pour le moment), ne va pas aider les distributeurs physiques.

Mais le triomphe du mobile pourrait bien réconcilier ces deux visions commerciales : peu importe le lieu ou l’heure, avec un téléphone dans la poche de presque tout client potentiel, un enseigne peut dorénavant capter l’attention d’un passant via son mobile pour encourager sa venue en magasin, voire récompenser sa fidélité sur le long terme. On parle dorénavant de « moment marketing ».

Le marketing direct fait sa mue

D’habitude, le marketing direct se limite à l’affichage traditionnel (TV, Affichage, etc.) et aux offres promotionnelles par coupon ou sur Internet. Mais à mesure qu’évoluent les technologies mobiles se développent de nouvelles stratégies. Dorénavant une enseigne qui souhaiterait attirer un client en magasin dispose de toute une gamme de solutions pour communiquer directement avec celui-ci quand il est le plus réceptif, par des messages géolocalisés en temps réel. Trois technologies clés sont alors à considérer pour l’entreprise:

– Le Real Time Bidding (RTB) : cette technologie, utilisée pour une part croissante des publicités en ligne et notamment mobiles, consiste à allouer en temps réel un espace publicitaire à un annonceur et à en évaluer le prix grâce aux différentes données de l’utilisateur ciblé (géolocalisation, historique de navigation, âge, comportement d’achat, etc.). Grâce au RTB, on est désormais capable de cibler de manière très précise un utilisateur mobile. Par exemple, une grande enseigne nationale de vente d’articles de sport va chercher à cibler, pour une opération, les internautes ayant visité un site de sport durant les deux dernières semaines. Pour cela, elle va aussi cibler ces internautes au moment où ils sont à proximité de la zone de chalandise d’une de ses enseignes, et ce afin de délivrer le message à une personne intéressée et au moment où celle-ci peut potentiellement se rendre directement en magasin.

– L’IoT (ou Internet des Objets) offre des opportunités d’échange exceptionnelles entre le consommateur et les magasins physiques. Bientôt, une marque pourra croiser les données de tout objet connecté (à condition que l’utilisateur en donne l’accord) pour proposer des réductions sur les produits déjà recherchés dans son historique de navigation. En s’inspirant d’Amazon aux États-Unis et de son bouton « Dash », Darty a fait un premier pas vers ce rapprochement entre distributeurs classiques et objets connectés. Le “Bouton Darty” est un simple bouton d’apparence, affichant le célèbre logo rouge, noir et blanc de l’enseigne française, sauf qu’il est connecté. Une fois pressé par l’utilisateur, il permet de se faire appeler par un conseiller Darty pour une aide à distance avec un appareil électronique. Un système qui permet au distributeur tricolore d’étendre son service après-vente – sa marque de fabrique – et en même temps de s’adresser à un public plus jeune, adepte des objets connectés.

Les technologies de marketing mobile : de nombreuses technologies, sont déjà disponibles sur le marché pour associer les logiques du retail et du digital :

Le « wallet » électronique (type PassBook sur iPhone ou Google Wallet sur Android) permet à un individu possédant un smartphone de regrouper tous ces achats et produits en ligne : billet d’avion, de concert, ou même coupon de réduction. Pour le distributeur, c’est une information facile à envoyer et qui peut avoir un impact non négligeable sur la décision d’achat en magasin. D’autant que ces porte-monnaie pourront bientôt permettre de payer directement avec son smartphone, comme c’est le cas aux États-Unis (Apple a annoncé que sa technologie de paiement via smartphone et smartwatch Apple Pay arrivera à l’été 2016 en France).

Le Near Field Contact (NFC) est une autre nouvelle fonctionnalité de nos smartphones permettant l’échange d’informations. Il suffit d’approcher son smartphone d’une borne compatible NFC (une vitrine, une affiche, une caisse,…) pour déclencher une interaction avec l’utilisateur : transmission d’un coupon de réduction, d’une offre promotionnelle, d’une publicité interactive, etc.

Dimension digitale

Ces technologies constituent autant d’opportunités pour un distributeur traditionnel en quête d’une nouvelle stratégie marketing. Nous allons démontrer ici comment une campagne de marketing direct peut tirer profit de cette nouvelle dimension digitale. Pour cela, reprenons l’exemple de l’enseigne de sport : celle-ci, avec l’approche de l’été, pourrait par exemple chercher tous les internautes ayant montré un intérêt pour le rafting, possédant un smartphone, ayant moins de 23 ans et de sexe masculin.

1/ La marque fait une campagne publicitaire RTB sur mobiles/tablettes/objets connectés : elle peut alors choisir de cibler les utilisateurs pertinents (centre d’intérêt sport, homme, 23 ans, disposant d’un smartphone) dans un premier temps. Puis, elle va réduire sa cible aux utilisateurs se trouvant dans un rayon de moins de 5 km d’un des 100 magasins de la chaine. Enfin, la campagne va être diffusée pendant les heures d’ouverture du magasin le plus proche. Le client intéressé a ainsi de plus grandes chances de se déplacer en magasin. Si l’utilisateur est ciblé par des offres correspondant à ses centres d’intérêts, les chances qu’il se montre réactif vis-à-vis de l’enseigne en question sont optimisées. Ainsi, le ciblage publicitaire est considérablement plus précis et plus puissant que n’importe quelle campagne de marketing direct « traditionnelle ».

2/ Le message contient une offre promotionnelle incitant à bénéficier d’une offre exclusive. Cette offre étant limitée dans le temps, mieux vaut en profiter tout de suite.
3/ L’utilisateur clique et télécharge un coupon dans son portefeuille électronique.
4/ Il se rend en magasin et profite de l’offre en montrant le coupon téléchargé. Plus besoin de carte bancaire, le consommateur paie grâce à son « wallet » et son téléphone.
5/ L’enseigne propose à l’utilisateur de profiter de son programme de fidélité en l’ajoutant à son portefeuille virtuel. Plus de papier, tout est stocké. Par la même occasion, l’utilisateur peut télécharger l’app de l’enseigne en scannant un code barre grâce à son téléphone. Le client entre désormais dans un canal marketing qui permettra à l’enseigne de garder contact avec celui-ci via son application installée.
6/ Désormais hors du canal publicitaire classique, le client ne sera plus ciblé par l’enseigne lors de sa prochaine campagne publicitaire.

Il va également falloir que les distributeurs classiques s’inspirent, comme le fait Amazon avec Amazon Prime, des modèles proposés en ligne : la livraison dans l’heure en est un exemple mais ils sont nombreux. C’est l’ère du temps réel, de l’ultra ciblage et de l’interaction. L’ère du « moment advertising ». L’ère du « drive to store ».

C’est ce que propose par exemple l’application de GPS mondialement connue Waze. L’affiche des publicités sur l’App ne se fait qu’une fois l’utilisateur à l’arrêt. Un bandeau peut s’afficher sur la moitié supérieure de l’écran, proposant par exemple de le guider vers une enseigne de fast food située à moins d’un kilomètre de sa localisation, l’incitant à faire un détour sur son trajet pour déguster un burger. Plus fort encore : grâce au RTB, Waze analyse les horaires d’ouverture des enseignes et affiche une mention « ouvert » dans son bandeau au sein même de la publicité, ajoutant une information incitative d’importance pour l’utilisateur. Et si la chaîne de fast food est fermée ? Le RTB va empêcher l’affichage de la publicité, évitant ainsi un espace publicitaire « perdu ». Un volet économique reconnu et particulièrement apprécié des annonceurs aujourd’hui, qui font tous la chasse au « cash burning ».

Le retail a toujours été un peu fâché avec le digital : les marques qui ne possèdent pas de boutique en ligne sont actuellement peu présentes dans l’achat média, exception faite de certaines campagnes d’images. Aujourd’hui, les technologies comme le RTB offrent des opportunités de communication gigantesques qui vont supplanter progressivement le marketing direct « traditionnel » dans les mois et années à venir.

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