Publié le 6 octobre 2015, modifié le 6 avril 2016.
Par Patrice Slupowski

Transformer la santé par le numérique 2/2

Publié le 6 octobre 2015, modifié le 6 avril 2016.
Par Patrice Slupowski

Le futur de la santé numérique pourrait donc être à la croisée d’une affaire d’argent et d’un tsunami de données issues de myriades de capteurs

Suite du post Transformer la santé par le numérique 1/2

Les données devront être protégées dans leur forme nominative pour permettre à chacun une analyse personnelle menée tant par les algorithmes et par les médecins généralistes de demain. Ce n’est pas à proprement parler le dossier médical informatisé mais plutôt un Big data personnel, disponible à tout instant pour les spécialistes et qui doit être sous le contrôle absolu de l’individu. Ce sera un peu comme si chacun disposait en permanence d’une infinité d’échantillons de sang prêts pour toutes les analyses instantanées. Ce futur patrimoine numérique personnel doit être scrupuleusement protégé en reconnaissant le caractère absolument incessible des données personnelles. Chacun peut concéder des droits sur ses données personnelles, le temps nécessaire à leur analyse mais passée cette opération, les données doivent « retourner au coffre », une sorte « d’Habeas data » (« tu dois posséder tes données »).

Le futur de la santé pourrait donc être à la croisée d’une affaire d’argent et d’un tsunami de données issues de myriades de capteurs pour déclencher une série de changements de comportements. Pour que tous ces facteurs se rencontrent, il faut que les acteurs actuels du système de santé trouvent une place nouvelle dans des chaines de valeur en mouvement.

Comme on l’a vu, les médecins vont devoir maitriser de plus en plus d’outils de nature très variée ; leur formation va donc devoir intégrer la technologie et les logiciels d’analyse de données autant que l’anatomie et bien plus peut-être que la pharmacopée.

Les laboratoires vont se retrouver face à d’incroyables opportunités de changer leur approche du développement des traitements. Plutôt que la longue mise au point, très phasée et chronophage, ils vont sans doute pouvoir accélérer et diminuer les couts (de la conception aux essais thérapeutiques) par des retours plus directs où l’analyse Big data et le crowdsourcing tiendront une place centrale.

Les assureurs de santé et mutuelles (publics et privés) vont connaitre probablement les changements les plus importants puisque le métier des actuaires pourrait être complètement révolutionné par la data. Plutôt qu’estimer statistiquement les risques avec un certain retard, c’est une masse de données en temps réel qui va leur être proposée. Même si les assureurs mutualistes rechigneront à l’individualisation de l’estimation du risque pour calculer des primes « sur mesure », ils pourraient être assez fortement poussés par des nouveaux entrants, prêts à la rupture qui voudront réinventer l’approche et proposer des économies à ceux de leurs adhérents qui se montreront les plus ouverts au partage de leurs données.

Ce sont aussi ces entreprises qui peuvent nous aider à réapprendre à dormir, à manger, à bouger. Elles ont la légitimité pour le faire, la capacité à se rapprocher de professionnels de santé et elles en recueilleront facilement les bénéfices dans la diminution des dépenses d’indemnisation.

Cette évolution prévue du monde de l’assurance est par ailleurs identique pour l’assurance des personnes et pour celle des biens, que l’avènement de la maison intelligente et celle de la voiture connectée vont fortement influencer.

Dans un système de santé qui frôle, parait-il, régulièrement la faillite en France et montre les limites de sa logique « 99% indemnisation/1% prévention », tout ce qui permettra de faire progresser l’évolution des mentalités et des comportements sera de nature à rééquilibrer les comptes au profit d’une médecine en avance sur la maladie, qui évite les coûts.

A n’en pas douter comme dans tous les domaines, l’innovation viendra majoritairement des start- ups qui vont fleurir grâce aux gigantesques fonds qui se constituent aujourd’hui aux USA ou en Israël en particulier. Elles vont remuer les idées et tenter « d’Uberiser » la santé. Elles se heurteront, hélas, comme tous les acteurs, à la rigidité du cadre dans lequel les nouvelles idées sont autorisées à s’exprimer dans le monde de la santé. La Santé n’aime pas la réforme et préfère souvent l’académisme et le confort des idées installées à la rupture proposée par un nouveau concept. Il est donc compliqué de s’exonérer du carcan, difficile d’avancer sur des chemins parallèles ou de bousculer le rythme de la recherche, impossible de proposer des alternatives pour prendre des raccourcis. Cela suppose donc que les pouvoirs publics comprennent le rôle prépondérant qu’ils peuvent jouer en assouplissant ce cadre, en libérant les énergies créatives dès lors qu’elles se montrent respectueuses des cadres éthiques.

C’est à ce prix que l’homme de 1.000 ans pourra déjà fêter ses 100 ans en bonne santé

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